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Médusantes méduses

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Le chorégraphe originaire de Québec Alan Lake et son équipage débarquent à la Cinquième Salle et y présentent jusqu’au 24 mars Le cri des méduses, pièce pour neuf interprètes et un musicien. Inspirée du célèbre tableau Le Radeau de la Méduse de Théodore Géricault, l’œuvre dépeint une « humanité à la dérive » à travers une scénographie pour le moins saisissante.

Plus de 200 ans après le naufrage de la Méduse ayant inspiré Géricault, à l’heure où les naufrages de bateaux de migrants sont hélas monnaie courante, Alan Lake Factori(e) nous plonge dans ces « sinueux replis de l’existence ». Faim, déshydratation, folie et cannibalisme sont quelques-unes des atrocités que les naufragés de 1816 ont subies. La pièce conjugue habilement la force du collectif à celle de l’individu pour nous donner l’illusion que ce scandaleux événement peint dans le Radeau de la Méduse prend vie sous nos yeux. Mais Alan Lake reste clair sur ses intentions.
« Ce n’est pas le fait divers sur lequel s’est inspiré Géricault pour faire sa toile qui [l’a] intéressé mais bien la force picturale de l’œuvre, son souffle. » 

Les images fortes que déploie le chorégraphe dès le début de la pièce placent la barre haut. Une grande fluidité et légèreté se dégagent des mouvements des danseurs et danseuses, en groupe comme en solo. L’amas d’individus à moitié ou totalement nus prend parfois des allures de photographie de Spencer Tunick. Le lyrisme des tableaux nous emporte dans un univers à mi-chemin entre celui d’Alan Lake et Théodore Géricault. L’influence du Radeau de la méduse se perçoit d’emblée, autant dans la structure en bois avec laquelle les interprètes jouent tout au long de la pièce, que dans les couleurs des vêtements et les jeux de lumière.

En usant et abusant des portées, Alan Lake dépeint une humanité s’efforçant de sortir par le haut d’une situation désespérée. Si l’on croit déceler une certaine trame narrative au début, l’œuvre se transforme peu à peu en une succession de tableaux symboliques qui tend à s’essouffler. L’intensité de l’œuvre se perd dans la longueur de la pièce. Les éléments scénographiques — forces majeures de la pièce au début — finissent par perdre de leur pertinence. Qu’il s’agisse de la structure en bois, des bâches transparentes, des matières gélatineuses, ou encore de l’encre projetée sur les danseurs et danseuses. Le point culminant se trouvant d’ailleurs au moment où, couverts d’encres, cinq interprètes immobiles sur le bois, s’embrassent et s’agrippent l’un à l’autre. Comme pour isoler et immortaliser une beauté inattendue dans un paysage cataclysmique.

Entre beauté et terreur, Le cri des méduses évoque une humanité à la dérive, mais combative. Ce qui nous saisit dans l’œuvre devient aussi ce qui nous lasse après une heure trente de débâcle. Mais le lyrisme des tableaux n’en reste pas moins marquant, nos yeux, pas moins médusés.

Le cri des méduses
Alan Lake Factori(e). Interprètes : Kimberley de Jong, Jean-Benoit Labrecque, Louis-Elyan Martin, Fabien Piché, David Rancourt, Geneviève Robitaille, Esther Rousseau Morin, Josiane Bernier, Odile-Amélie Peters. Musique en direct : Antoine Berthiaume. À la Cinquième Salle, Place des Arts, du 20 au 23 mars 2018 à 20h, le 24 mars 2018 à 16h et 20h.

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