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En immersion avec La Pileuse

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C’est devant une salle comble que Sarah Elola a livré, le 24 novembre dernier, son deuxième solo, La Pileuse. Entre tradition africaine et contemporanéité, la pièce nous plonge dans un univers où l’art se cache derrière chaque geste d’un quotidien rythmé par le labeur, sublimé par le corps de cette performeuse plurielle, mais unique.

Originaire du Burkina Faso, l’artiste nous fait découvrir sa terre d’enfance à travers le rituel des femmes qui pilent ensemble autour d’un mortier. Un dur labeur qui s’étend sur des journées entières, mais qui prend ici le visage d’un périple en enfance au cœur des traditions qui ont forgé son identité. Le sourire malicieux, l’œil rieur, on retrouve parfois une attitude presque enfantine dans sa façon de jouer avec les éléments qui l’entourent et d’explorer les limites de son propre corps.

Un corps sollicité pendant plus de 50 minutes et qui parvient à nous faire oublier le temps qui passe. Portant la pièce à bout de bras du début à la fin, tantôt outil de travail, tantôt instrument de musique, il est un livre ouvert sur l’histoire qui habite l’interprète. À tel point que ce corps tend à disparaître derrière celui de toutes les femmes africaines qui ont inspiré l’artiste. La lumière, les sons et les silences, tout s’accorde pour sublimer la présence de ce corps seul et quasi nu, et nous faire voir au-delà de l’incarnation physique. Sarah Elola ne tombe pas dans la simple représentation; elle incarne la Pileuse.

Pour donner vie à ce corps, l’artiste va puiser toute son énergie dans le sol et la terre. Le plancher de la salle du MAI de Montréal se dérobe sous ses pas et devient peu à peu le sol de sa terre natale. C’est sur cette terre que son corps vibre, saute, pile, danse, souffle et s’essouffle, c’est elle qui lui donne la force de chercher dans ses souvenirs pour nous plonger dans cette tradition transformée en art.

Loin d’un questionnement existentiel ou identitaire, La Pileuse est un pur acte de générosité qui extrait l’art du quotidien, la beauté du labeur. Œuvre profonde, cette création puise dans des racines à la fois proches et lointaines sans nous faire tomber dans une surintellectualisation du sujet ou de la démarche artistique qui s’y cache. On en ressort léger et serein, tout comme l’artiste semble l’être à la fin de son solo.

 

La pièce se termine sous les acclamations d’un public conquis. Ce voyage, qui m’a laissé un goût d’encore, se poursuit par une discussion avec l’équipe artistique qui m’amène à satiété. Sarah Elola nous confie, entre autres, sa peur tout au long du processus de création, de tomber dans « le piège de la carte postale » qu’elle décrit comme une image figée et stéréotypée d’un sujet. Qu’elle soit rassurée, aucune carte postale ne sera jamais capable de nous faire voyager comme La Pileuse le fait; l’immersion est totale. Un spectacle à voir.

La Pileuse
Création et interprétation de Sarah Elola. Conceptrice lumière : Karine Gauthier Musique (composition, production), montage vidéo : Parker Mah. MAI les 24, 25 et 26 novembre 2017.

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